Francis Heaulme, nouvelle erreur judiciaire à Montigny-les-Metz ?

Alors que le procès de Francis Heaulme pour le double meurtre de Montigny-les-Metz s’ouvre, un nouveau témoin s’est manifesté.

En 1986, à Montigny-les-Metz, 2 enfants sont retrouvés morts, assassinés à coup de pierres, à proximité d’une voie ferrée. Pour ce crime, Patrick Dils passera 15 ans prison, avant que son innocence ne soit définitivement reconnue, ce qui constitue à ce jour une des plus grandes erreurs judiciaires française de tous les temps.

Car c’est bien le procès de Francis Heaulme qui s’ouvre ce lundi 31 mars. Celui que l’on surnomme le routard du crime est jugé pour l’assassinat des 2 jeunes garçons, commis il y a bientôt 28 ans.

  • Un homme « petit » et « trapu » vu près du lieu du meurtre qui ne correspond pas à Francis Heaulme

Francis Heaulme, Montigny-les-metz
Francis Heaulme, jugé pour le meurtre de Montigny-les-Metz

Mais voilà que dans cette affaire déjà extraordinaire, survient un nouveau rebondissement. Le témoignage de dernière minute d’un ancien cheminot, qui déclare avoir vu le jour du crime un homme courant avec un T-shirt blanc ensanglanté.

D’après la description de l’agent retraité de la SNCF, cet homme « petit » et « trapu » n’a pas le physique de Francis Heaulme. Au contraire, le témoignage fait penser à Henri Leclaire. Il s’agit de la première personne suspectée dans cette affaire. Puis Henri Leclaire fut écarté avant que l’attention se focalise sur Patrick Dils. Avec la terrible suite que nous connaissons.

Francis Heaulme purge déjà de longues peines de prison pour d’autres crimes atroces. Mais il clame son innocence dans l’assassinat des 2 garçons de Montigny-les-Metz. Ce témoignage soudain arrive donc au bon moment pour étayer ses dires. D’autant qu’Henri Leclaire avait avoué les meurtres à l’époque avant de se rétracter.

Pour l’avocat d’Henri Leclaire, la crédibilité d’un tel témoignage est nulle. Les différents avocats des familles des victimes restent quant à eux dubitatifs. Ils ont laissé paraitre leur lassitude face à des témoignages comme celui-ci.

Francis Heaulme, bien que cela ne change en rien le fait qu’il soit un criminel reconnu, sera-t-il lui aussi victime d’une erreur judiciaire dans le double meurtre de Montigny-les-Metz ? Le procès qui s’ouvre lundi 31 mars, quel qu’en soit l’issue, devra nous persuader du contraire.

Annulation de la condamnation de Christian Iacono

La cour de révision a décidé d’annuler la condamnation de Christian Iacono pour viol après les rétractations de son accusateur

En 2000, Christian Iacono, alors maire de Vence, une commune des Alpes-Maritimes située près de Nice, était accusé de viol sur son petit-fils Gabriel pendant la période 1996 et 1998. Au moment des faits, Gabriel avait entre cinq et huit ans et ses parents étaient en conflit avec son grand-père. Suite à cette accusation, Christian Iacono, radiologue retraité, était placé en détention préventive de 3 mois.

Commençait alors une bataille juridique qui allait durer une dizaine d’années. D’un côté, Christian Iacono a déclaré qu’il se battrait jusqu’au bout pour prouver qu’il est « la victime d’une machination en règle ». De l’autre côté, son petit-fils Gabriel, avec quelques autres personnes, dont ses parents, mettaient tout en œuvre pour le faire condamner.

  • Le petit-fils de Christian Iacono, qui l’avait accusé de viols, se rétracte !

Christian Iacono en 2014
Christian Iacono en 2014

En février 2011, Christian Iacono a été condamné définitivement à 9 ans de prison. Quelques semaines plus tard, son petit-fils Gabriel, alors âgé de 20 ans, l’innocente ! Il déclare avoir menti depuis la première accusation de son grand-père pour attirer l’attention sur lui et afin de réunir ses parents divorcés.

Il a également précisé que son mensonge a été confirmé par divers médecins. Néanmoins, en novembre 2011, Christian Iacono était renvoyé en prison. En avril 2012, soit 16 mois plus tard, il a bénéficié d’une remise en liberté grâce aux rétractations de Gabriel. Il était toutefois soumis à un contrôle judiciaire strict.

Le 18 février 2014, la cour de révision a finalement décidé d’annuler la condamnation de Christian Iacono. Il devra être rejugé pour cette affaire de viol. C’est un fait rare dans la juridiction française. Sur environ 150 condamnés qui saisissent la cour de révision chaque année, quelques personnes seulement bénéficient de l’annulation de sa condamnation. En 20 ans, seuls 45 condamnés parmi 3000, soit 1,5% des demandes. Marc Machin, Loïc Sécher ou Patrick Dils sont parmi les cas célèbres.

Cet épisode de la vie de Christian Iacono a perturbé sa vie, tant sur le plan personnel que sur le plan politique. Il a été par exemple battu aux élections municipales de 2001 à cause de sa mauvaise réputation. S’il a été réélu maire de la mairie de Vence et à la tête de la communauté urbaine de Nice en 2008, il a été forcé de démissionner.

Il a déclaré qu’il « ne peut pas condamner un enfant de 10 ans qui avec un mensonge a fait de 14 ans de sa vie un vrai calvaire ».

5 mois de prison à cause d’un homonyme

Suite à une confusion avec un homonyme, Mohamed Camara vient d’être indemnisé à hauteur de 45 000 euros pour avoir passé 5 mois en prison.

Le calvaire de cet homme qui avait un homonyme commence  en 2001. Il est arrêté lors d’un contrôle de Police dans le train Paris Bruxelles. Les policiers qui l’interpellent lui signifient alors qu’un mandat d’arrêt international a été délivré contre un certain Mohamed Camara, né en 1973 à Conakry  (Guinée).

Justement, l’homme arrêté dans le train correspond : Même prénom, même nom, même année de naissance et même lieu de naissance que l’homme mondialement recherché ! Ce dernier a été condamné à 20 ans de prison par contumace pour viol.

  • Les victimes des viols l’innocentent car elles ne le reconnaissent pas

homonyme en prison
Prison Saint Gilles
Crédit : M0tty

L’homme du train nie farouchement être l’auteur desdits viols. Mais il passe 3 mois en prison en Belgique avant d’être extradé vers la France. Là il passe encore 2 mois en réclusion à la prison de la Santé à Paris.

Il est finalement relâché le 31 décembre 2001 car les victimes des viols ne reconnaissaient pas en l’homme incarcéré l’auteur des faits. Il vient de passer 5 mois en prison à cause d’une incroyable coïncidence entre lui et son homonyme. L’homonyme étant le véritable auteur des viols.

Mohamed Camara, l’innocent, réclamait 180 000 euros de dommages et intérêts pour ces long mois de prison à la place de son homonyme. Lors de son incarcération, il a du faire face au sort peu enviable réservé aux violeurs. L’état proposait de son coté 12 000 euros reconnaissant le préjudice subi. Même si officiellement les indemnisation sont prévues pour les personnes jugées coupables puis innocentées. Ceci n’était pas le cas de notre homme.

La cour d’appel de Paris vient de lui accorder 45 000 euros de dommages et intérêts. Ils sont répartis en 30 000 euros de préjudice moral et 15 000 euros de préjudice économique. Son avocat n’exclut pas de faire appel de cette décision. Il regrette le fait que la Justice française reconnait très peu ses erreurs. Et lors des rares cas où cela arrive, ces erreurs sont très mal indemnisées.

Liste des erreurs judiciaires depuis 1945

Combien au juste d’erreurs judiciaires depuis 1945 ? La liste complète

Pourquoi une telle précision sur la liste des erreurs judiciaires depuis 1945 ? Nous avons regardé le 14 octobre 2013, le magazine Crime sur NRJ12. Le premier reportage était consacré à l’affaire du meurtre du pont de Neuilly. Cette affaire est désormais célèbre pour la condamnation puis la révision du procès de Marc Machin.

Marc Machin était notamment interviewé lors de ce reportage. Il a pu donné son témoignage et sa version des événements tout au long du rappel des faits de ce qui allait devenir une nouvelle erreur judiciaire pour la Justice française.

Liste des erreurs judiciairesMais un élément est venu troubler la vision de cette émission. Lors du lancement de l’émission, Jean Marc Morandini annonce que Marc Machin est devenu la neuvième personne à être acquittée après avoir été définitivement condamnée depuis 1945

Or, quelques minutes plus tard, le journaliste narrant l’histoire en voix off précise que Marc Machin est la huitième personne a être acquittée après un procès en révision depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.

  • Alors, combien recense-t-on  d’erreurs judiciaires en France depuis 1945 ?

Si on s’en tient aux erreurs judiciaires, dans le sens où on considère qu’une personne a été condamnée puis innocentée pour le même délit, alors on arrive bien à neuf avec Marc Machin (et même à 10 depuis l’innocence reconnue d’Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri en 2013). La liste des 9 erreurs judiciaires en France depuis 1945 est la suivante :

  1. Jean Deshays, acquitté en 1955, après une condamnation en 1949.
  2. Monique case, condamnée et acquittée en 1966.
  3. Jean-Marie Deveaux, condamné en 1949 et innocenté en 1969.
  4. Roland Agret, condamné en 1973 et acquitté en 1985.
  5. Guy Mauvillain, acquitté en 1985 après une condamnation en 1975.
  6. Rida Daalouche, condamné en 1991 puis acquitté en 1999.
  7. Patrick Dils, déclaré non coupable en 2002 après sa condamnation en 1989.
  8. Loïc Sécher, innocenté en 2011 après avoir été condamné en 2003.
  9. Marc Machin, condamné en 2001 et acquitté en 2012.

Cette liste contient bien 9 affaires. 9 personnes ayant été innocentées après avoir été condamnées pour le même délit.

Seulement, si cette fois, on s’attarde sur les cas qui ont été jusqu’à la cour de révision, on tombe bien à 8 avec Marc Machin (toujours sans compter les cas d’Abdelkader Azzimani et Abderrahim el-Jabri). En effet, le cas de Monique Case n’a pas été jusqu’en procès en révision.

Le calvaire et le pardon – Le livre de Loïc Sécher

Loïc Sécher revient sur son parcours dans un livre « Le calvaire et le pardon »

« Le calvaire et le pardon » est le titre du livre de Loïc Sécher, sorti le 26 septembre 2013 et coécrit avec le célèbre avocat Eric Dupond-Moretti, qui a également défendu Roselyne Godard dans l’affaire d’Outreau, autre terrible erreur judiciaire que la justice française ait connue.

Le livre retrace le calvaire judiciaire que Loïc Sécher a subi. Depuis ce jour de novembre 2000 où il fut arrêter par les gendarmes sans qu’il comprenne pourquoi. Jusqu’au 25 septembre 2012, date à laquelle la cour d’appel de Rennes décida de lui octroyer le somme de 800 000 euros pour le préjudice moral et matériel subi.

  • 10 ans de prison pour un crime qu’il n’avait pas commis

Le calvaire et le pardonLoic Sécher n’a été libéré qu’en 2010, sa condamnation ayant été annulé par la cour de révision. Il fut définitivement acquitté l’année d’après. Pendant 10 ans, il raconte dans « Le calvaire et le pardon » qu’il a subi les pires traitement en prison. Alors que, rappelons-le, il était innocent.

Avec une condamnation pour viol, il découvre en prison le sort réservé aux violeurs. Ces derniers étant traités comme une « classe » inférieure par les autres détendus. Il est régulièrement tabassé et violé. Il vivra un véritable enfer pendant sa réclusion, qui durera 10 ans.

En 2008, il purge toujours une peine de 16 ans pour le viol d’Émilie. Mais la jeune fille de 14 ans à l’époque qui l’avait identifiée comme l’auteur des faits se rétracte. Cet aveu permit de mettre en marche le processus qui allait aboutir à la reconnaissance par la justice française d’une erreur judiciaire. Un fait rarissime.

Mais le titre choisi pour le livre « Le calvaire et le pardon » ne serait pas compréhensible sans préciser que Loïc Sécher a reconnu ne pas avoir de remords vis à vis d’Émilie. Il estime qu’elle aussi à été une victime dans cette affaire. Du haut de ses 14 ans, les adultes lui auraient « suggéré » ses accusation contre Loïc Sécher.

A noter qu’il est possible d’écouter l’interview de Loïc Sécher sur France info pour la sortie de son livre « Le calvaire et le pardon »