Argument surprenant de l’État pour ne pas indemniser El Jabri

L’état avance qu’il n’y a pas de preuve de l’emprisonnement d’Abderrahim El Jabri pour justifier son refus de l’indemniser.

Situation ubuesque à la Cour d’appel de Nîmes. Abderrahim El Jabri qui s’est battu pendant des années pour prouver son innocence dans le meurtre d’un trafiquant de drogue en 1997, doit à présent prouver …. son incarcération !

Abderrahim El Jabri et Abdelkader Azzimani ont bénéficié d’un acquittement définitif en 2013. Ceci après une erreur judiciaire qui les aura conduit à passer 13 ans de leur vie pour un crime qu’il n’avait pas commis. Les deux hommes ont donc déposé des requêtes pour obtenir des réparations financières auprès de la cour d’appel de Nîmes. Ils demandent ainsi, chacun à l’État, trois millions d’euros d’indemnités.

  • « Nier la réalité des 13 ans d’incarcération de M.El Jabri, c’est ridicule et insultant » selon l’avocat de M. El Jabri

Abderrahim El Jabri
Abderrahim El Jabri

L’avocat de l’agent judiciaire du Trésor, le représentant de l’état chargé des procédures d’indemnisation, propose 250 000 d’euros en guise d’indemnisation pour Abdelkader Azzimani. Mais il propose de ne rien verser à Abderrahim El Jabri alors que les cas des 2 hommes sont similaires.

Pour quel motif ? On peut trouver les arguments de l’avocat de l’État dans les conclusions présentées au tribunal. «Il ressort des démarches effectuées (…) que la cote “détention” n’a pas été numérisée et n’est donc pas disponible pour la consultation». Cela signifie en clair qu’il n’y a pas de trace de l’incarcération d’Abderrahim El Jabri dans les registres de l’État.

Me Darrigade, l’avocat du plaignant s’insurge contre cet argument purement administratif. Puis il précise qu’ «Il y a des arrêts de condamnation successifs, un acquittement, des recours en révision, qui reprennent tous la période de détention.»

Me Darrigade ne mâche pas ses mots à l’encontre du représentant de l’État. « Nier la réalité des 13 ans d’incarcération de M.El Jabri, c’est ridicule et insultant. On ne sait pas à quoi l’avocat du Trésor a voulu jouer… On pourrait en rigoler, mais vu la gravité de ce que mon client a vécu, c’est la colère qui domine. »

L’avocat de l’ancien prisonnier se veut pour autant confiant. «Le président de la Cour d’appel ne marchera pas dans cette combine».

Meurtre du parking des italiens : une erreur judiciaire ?

En mars 2012, Sébastien Malinge a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle pour le meurtre « du parking des italiens ». Mais des zones d’ombres subsistent….

Le 28 novembre 2010, Michèle Martinez, 66 ans, était retrouvée assassinée de manière effroyable sur le parking des italiens, à Avignon. Son visage avait été frappée à coups de pierres et un tournevis avait été enfoncé dans son crane. Des analyses montrent la présence de l’ADN d’un certain Sébastien Malinge sur les vêtements et les doigts de la victime. Ainsi que les empreintes sur le tournevis qui a servi à achever la vieille dame. Ce dernier est alors arrêté et inculpé dans ce qu’on appellera dès lors le « meurtre du parking des Italiens ».

parking des italiens
parking des italiens
Crédit : Marianne Casamance

Sébastien Malinge a depuis le début nié les faits. Lors de son audition et du premier procès, il fit plusieurs étonnantes révélations qui n’ont pas semblé convaincre les jurés face aux éléments à charge que représentaient les analyses ADN. Il fut condamné à 30 ans de prison le 21 mars 2012.

Plusieurs points sont encore flous dans cette affaire « du parking des italiens ». Ceci a laissé un sentiment d’inachevé aux observateurs lors du premier procès. Sébastien Malinge fit appel de son jugement, ouvrant droit à un nouveau procès initialement prévu en juin 2013 à Nîmes. Mais il fut reporté suite à une demande de supplément d’information.

  • Sébastien Malinge a toujours nié le crime

Dans le premier procès, les certitudes liées à l’ADN ont primé par rapport aux révélations sur les relations entre l’accusé et la fille de la victime. En effet, l’accusé entretenait des relations étroites au moment des faits avec Marianne Di Nicola, la fille Mme Martinez. Ceci sans qu’il sache les liens de parenté qui unissaient les deux femmes. Il le découvrit seulement lors de son ordonnance de mise en accusation.

D’après l’accusé, sa relation avec Mme Di Nicola n’était qu’un plan sexuel. De son côté, entendue à huis clos, Marianne Di Nicola confirma qu’elle avait une relation de quelques mois avec Sébastien Malinge. Pourtant, elle est en désaccord avec ce dernier sur les dates et la durée de la relation.

L’accusé ne nie pas être venu plusieurs fois au domicile de Marianne Di Nicola. Et il reconnait avoir bricolé avec un tournevis pendant un certain temps. Cependant, selon lui, il arrêta d’y venir avant que la mère de Mme Di Nicola ne décida d’habiter chez sa fille. Sébastien Malinge et Michèle Martinez ne se seraient donc jamais rencontrés.

  • Un transfert d’ADN pourrait-il expliquer la présence de celui de l’accusé sur l’arme du crime ?

C’est la raison pour laquelle les avocats de l’accusé, Me Guenoun et Me Billet, épaulés par Me Expert et Me Mestre, envisagent l’hypothèse d’un possible « transfert d’ADN ». Ils ont alors engagé un expert en ADN pour analyser le tournevis avec lequel Sébastien Malinge bricolait. Le but est de savoir s’il y a bien eu transfert d’ADN de cet outil vers le corps de la victime et l’arme du crime. Lors du procès, l’expert s’est montré sceptique.

La famille et les amis de Sébastien Malinge ont créé un blog recensant les « zones floues » dans l’affaire du parking des italiens. Selon eux la fille de la victime, absent au moment du procès, devrait être réentendue. Les avocats de la défense ont également demandé des expertises dans son appartement. Parmi les points flous, on peut citer les suivants.

  1. Le fait que Sébastien Malinge ait invité les policiers à visionner les images de la caméra de surveillance du parking des italiens au moment des faits.
  2. Le silence de la fille de la victime sur sa relation avec l’accusé,
  3. L’itinéraire inhabituel de la victime ce matin-là,
  4. Les doutes sur l’heure officielle de découverte du corps au parking des italiens
  5. L’absence de l’ADN de Sébastien Malinge sur des rochers ayant également servi pour tuer la victime, etc.

Selon Me Guenoun, l’avocat de Sébastien Malinge, « L’enquête policière a été privée d’une partie de l’information qui est capitale ». Il a également affirmé, lors de sa plaidoirie, que la victime « menait une vie très dissolue ». Il évoqua ses rencontres via des sites Internet qui auraient pu lui occasionner une mauvaise rencontre.

Une demande de remise en liberté pour Sébastien Malinge a été refusée en février 2014 alors que son procès en appel est fixé du 8 au 10 décembre 2014 à Nîmes.

663 320 euros d’indemnités pour Marc Machin

La cour d’appel de Paris a octroyé 663 320 euros d’indemnités à Marc Machin. Ceci pour pratiquement 6 ans de prison alors qu’il était innocent.

Marc Machin réclamait presque 2 millions d’euros d’indemnités. C’est finalement moins d’un tiers que la cour d’appel de Paris a décidé de lui attribuer pour la réparation de l’erreur judiciaire qu’il a subie. Marc Machin a en effet passé 2 126 jours en prison alors qu’il était innocent. Il fut acquitté du meurtre de Marie-Agnès Bedot pour lequel il avait pourtant été condamné à deux reprises par la Justice.

La somme de 663 320 se décompose en deux parties. 600 000 euros attribués au titre de préjudice moral. 63 320 euros octroyés au titre de préjudice matériel. S’ajoute 38 000 euros de dommages et intérêts au père de Marc Machin. Puis 20 000 euros pour son frère et autant pour sa sœur.

  • Le montant versé à Marc Machin est le troisième plus gros montant parmi les indemnités accordées par la justice française

Indemnités pour Marc Machin
Marc Machin

Patrick Dils détient bien malgré lui le record du montant d’une indemnité versée dans le cadre d’une erreur judiciaire avec un million d’euros. Dont 700 000 euros pour lui, 200 000 pour sa famille et 100 000 pour les frais de justice. Ceci après 15 ans de prison pour un double infanticide pour lequel il a été reconnu innocent après avoir été condamné par erreur. Vient ensuite Loïc Sécher, qui a touché 797 352 euros d’indemnité. Auquel s’ajoute 50 000 euros pour sa mère et 30 000 pour son frère et sa sœur. Ceci pour 2 650 jours passé en prison pour un viol qu’il n’avait pas commis.

Est-ce que la Justice a souhaité préserver le ratio certes difficilement comparable, du montant de l’indemnité par rapport au nombre de jours de prison ? Ceci pourrait expliquer pourquoi elle n’a pas attribué une indemnité plus importante à Marc Machin par rapport à Loïc Sécher. Ce dernier ayant passé plus de 500 jours de plus en détention.

En tout cas, le sujet des indemnités de Marc Machin pourrait ne pas s’arrêter là. Me Louis Balling, conseil de Marc Machin, ayant déclaré « C’est une somme qui mérite une véritable réflexion, dans la mesure où nous avions demandé 2 millions d’euros ». Il dispose à présent de 10 jours pour déposer un recours.

Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri reconnus innocents

Ce jeudi 3 juillet, Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri ont définitivement été reconnu non coupable du meurtre qui leur a fait passer plus de dix ans en prison.

Le 15 mai 2013, la justice française avait déjà prononcé l’annulation de la condamnation pour meurtre pour laquelle Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri avaient été condamnés à vingt ans de prison en 2003. Il restait encore à rejuger ces deux hommes. C’est chose faite depuis le 3 juillet 2014. C’est en effet la date à laquelle la cour d’assises de Nîmes à prononcé un acquittement définitif.

Les ennuis d’Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri débutent un 21 décembre 1997. Ce jour là Abdelaziz Jhilal, un jeune trafiquant de drogue, est retrouvé assassiné de manière brutale. Son corps est transpercé de 112 coups de couteaux. Rapidement, les soupçons se tournent vers deux autres trafiquants de drogue. Il s’agit d’Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri. Ils avaient justement fourni à la victime 5 kilos de résine de cannabis peu avant son assassinat.

  • 10 ans de prison avant que deux autres hommes soient arrêtés.

Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri
Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri

Abderrahim El-Jabri avaient à l’époque un cassier judiciaire déjà bien rempli, ayant été condamné à deux reprises pour trafic de drogues. De plus, les deux hommes reconnaissent lors de leurs auditions n’avoir pas été payés par la victime suite à cette livraison de 5 kilos de résine de cannabis. Ceci constituait alors un mobile tout fait pour les enquêteurs.

Les deux hommes admettent alors leur participation dans un trafic de drogue. Mais clament leur innocence vis à vis de l’homicide. Las, Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri sont condamnés en 2003 à vingt ans de prison. Puis la peine est confirmée en 2004 en appel.

L’histoire rebondit en 2009, quand des analyses ADN réalisées sur des éléments retrouvés dans la voiture de la victime le soir du meurtre, permette de confondre deux autres hommes. il s’agit de ceux avec qui la victime devait revendre les fameux 5 kilos de drogue, livrées par Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri.

Les deux autres hommes dont l’ADN a été retrouvé dans la voiture, sont arrêtés. Ils reconnaissent être les auteurs du crime pour lequel Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri sont en réclusion depuis plus de dix ans !

Il faudra attendre mi 2103 pour que ces derniers voient leurs peines annulées par la cour de révision. Puis le 3 juillet 2014 pour que leur acquittement soit définitivement prononcé.

Marc Machin demande 2 millions d’euro d’indemnisation

Lundi 16 juin 2014, Marc Machin, victime d’une des plus célèbres erreurs judiciaires françaises, a réclamé près de 2 millions d’euros d’indemnisation pour le préjudice subi.

Marc Machin demande à présent une indemnisation pour sa double condamnation, en 2004 et en 2005 pour le meurtre de Marie-Agnès Bedot survenu le 1er décembre 2001. Mais en 2008, un autre homme du nom de Davis Sagno, se présenta spontanément à la Police. Il revendiqua alors le meurtre de Mme Bedot. Marc Machin fut définitivement innocenté de cet homicide en 2012.

Le retour de ce dernier devant un tribunal ce lundi 16 juin se déroulait dans le cadre d’une demande d’indemnisation vis à vis de l’erreur judiciaire subie.

  • L’État propose de son coté 150 000 euros d’indemnisation

Marc Machin indemnisation
Marc Machin demande 2 millions d’euros d’indemnisation

Pour les 2126 jours passés en prison, Marc Machin a demandé 1,06 millions d’euros. Ceci correspond à 500 euros par jour passé en détention à la place du véritable assassin. Au terme du préjudice moral, Marc Machin réclame 800 000 euros. S’ajoutent les demandes de remboursement des revenus non touchés par la victime de l’erreur judiciaire pendant sa détention. Finalement viennent les frais d’avocat. La somme totale demandée s’élève donc à 1 997 728 euros.

De son coté, l’agent judiciaire de l’état, estime le préjudice de Marc Machin à 150 000 euros. Il propose cette somme en guise d’indemnisation, ce qui est bien loin du montant demandé par ce dernier. La décision du tribunal a été mise en délibéré au 30 juin 2014.

Marc Machin a expliqué avoir également rencontré des difficultés lors de ces 7 années passées en prison. Notamment vis à vis des autres détenus. Mais il reste peu probable que Marc Machin obtienne la totalité du montant demandé en réparation de l’erreur judiciaire commise à son encontre.

Patrick Dils, pour ces 15 années en prison pour un double infanticide pour lequel il a été, lui aussi, reconnu victime d’une erreur judiciaire détient aujourd’hui le « record » du montant d’indemnisation avec 1 million d’euros. Vient ensuite Loïc Sécher, qui a obtenu de l’État environ 800 000 euros pour ces 2652 jours de détention pour un délit qu’il n’avait pas commis. Ce dernier réclamait à l’époque 2 077 500 d’euros, soit à peine plus que Marc Machin.